Le système digestif est un sujet intarissable et n’a pas fini de nous surprendre ; en tant que naturopathe, je m’y intéresse de plus en plus pour affiner ma pratique. Grâce à la recherche, nous connaissons de mieux en mieux les moyens de le protéger. On pense naturellement à l’alimentation pour entretenir le microbiote humain et beaucoup moins à la pratique méditative. Quel est l’atout de la méditation pour les intestins ? Réponses dans cet article, avec un détour sur le dialogue fascinant entre cerveau et tube digestif.
Quelques notions sur le deuxième cerveau ou système nerveux entérique
Nos intestins représentent un écosystème particulièrement riche et actif ; y vivent en communauté des milliards de micro-organismes (bactéries, levures, champignons) qui composent le microbiote intestinal (ou flore intestinale). Celui-ci est impliqué dans de nombreux processus : la digestion bien-sûr, l’immunité, la synthèse de certaines protéines clés, le contrôle des réactions inflammatoires…
Ce qui est plus étonnant, c’est que notre intestin abrite des centaines de millions de neurones, qui forment le système nerveux entérique ou deuxième cerveau. Ce réseau neuronal est en interaction permanente avec le cerveau, par la voie sanguine et le nerf vague. Par ce biais, l’intestin avertit le cerveau de son activité propre, qui régule en retour l’organisme en fonction des messages transmis. Ces deux organes travaillent de concert pour assurer notre équilibre de chaque instant et cela se passe globalement bien, mais il arrive que cela vacille : par exemple, une situation de stress peut être transmise du cerveau aux intestins, provoquant toutes sortes de maux digestifs. Inversement, le microbiote peut aussi envoyer des signaux au cerveau qui vont jouer sur l’humeur et induire un stress. À ce propos, une étude récente de l’INSERM a établi qu’une anomalie du microbiote favoriserait la dépression. S’agissant des maladies neurodégénératives, les chercheurs ont découvert que certaines pathologies comme Parkinson auraient des causes intestinales, débutant par une atteinte du système nerveux entérique et ensuite du cerveau.
Ce cadre étant posé, il est plus facile de comprendre le lien entre pratique méditative et système digestif.
Le regard de la science sur l’intérêt de la méditation pour les intestins
Microbiote et Méditation : deux domaines d’investigation majeurs
L’écosystème intestinal est captivant, ce qui explique que les études s’y sont beaucoup intéressées depuis ces dernières décennies, avec à la clé des découvertes capitales quant à son influence sur la santé globale, physique et psychique.
Du côté des techniques méditatives, les chercheurs se passionnent depuis plus de 20 ans sur leur relation avec le fonctionnement cérébral et le vieillissement, portés par l’essor des neurosciences. C’est le Dalaï-lama qui a inspiré en 2000 le projet d’analyser l’activité du cerveau de bouddhistes, ayant plus de 10 000 heures de pratique. Après 15 ans d’études et de suivi d’une cohorte de méditants experts et débutants, les conclusions ont mis à jour les vertus de la méditation sur le plan cognitif et émotionnel. Cette avancée a concordé avec les progrès réalisés sur la plasticité du cerveau, dont le mécanisme est mieux connu.
Les études sur l’avantage de méditer pour la santé intestinale
-L’idée est venue plus tardivement aux chercheurs de mieux comprendre l’intérêt de la méditation pour les intestins par l’angle du microbiote ; des médecins chinois s’y sont attelés et ont publié en 2023 une étude (1) mettant en évidence une meilleure qualité de la flore intestinale des moines tibétains. Les scientifiques ont inclus dans leur protocole 37 bouddhistes, pratiquant la méditation au moins deux heures par jour depuis 3 à 30 ans et 17 personnes non-pratiquantes. Le microbiote des méditants s’est avéré plus riche, avec notamment une concentration plus élevée de souches saines comme Prevotella, Bacteroides, Megamonas et Faecalibacterium, très répandues dans la flore. Compte tenu des liens qui unissent les intestins au système nerveux, cette étude est allée plus loin en établissant une corrélation entre un microbiote sain et la baisse du risque d’anxiété et de dépression.
-Une étude américaine (2) de 2011 a examiné les bienfaits de la méditation pour les intestins par le biais du syndrome de l’intestin irritable. A partir d’un groupe de 75 femmes, l’entraînement méditatif en pleine conscience (mindfulness) d’une durée de 8 semaines a été comparé à un groupe de soutien, mettant en avant l’efficacité de la première méthode pour réduire les douleurs et d’autres inconforts liés à cette maladie.
-Une autre étude (3) parue en 2020 de même nature vient confirmer l’intérêt de la méditation pour les intestins à partir d’un groupe de 70 patients atteints du syndrome du côlon irritable, ayant suivi un programme de 8 semaines de méditation en pleine conscience destiné à réduire le stress. À son issue, ils ont constaté une atténuation de leurs symptômes gastro-intestinaux et de l’anxiété associée et de façon durable (c’est-à-dire plus de 3 mois après). Il est à noter que ces personnes ont vu leur qualité de vie s’améliorer sans prendre de médicaments ou changer leur alimentation, mais en méditant simplement.
Ces trois études sur l’atout de la méditation pour les intestins sont de petite taille, et donc de faible poids statistique, ne permettant pas d’établir une vérité scientifique. Cependant, les résultats sont porteurs d’espoirs et ouvrent des portes vers des travaux scientifiques plus poussés.
La méditation, une solution anti-stress bénéfique à la digestion
Sans se référer à des études très spécifiques comme précédemment, l’action positive de la méditation pour les intestins s’apprécie aussi par une autre clé, le stress. La science a également beaucoup progressé depuis les années 2000 et il y a globalement consensus aujourd’hui : cette pratique est reconnue comme un remède efficace pour réduire le stress et elle est d’ailleurs de plus en plus adoptée pour cela. Si elle est pratiquée avec régularité (idéalement chaque jour), elle réduit l’anxiété, la sécrétion de cortisol (l’hormone du stress), améliore notre adaptation face aux situations stressantes, d’où la sensation d’une plus grande sérénité conjuguée à une meilleure concentration.
La détente que procure la méditation relâche l’ensemble de l’organisme, dont le tube digestif : la vidange gastrique, la production des enzymes intestinales, le transit et bien d’autres fonctions se régularisent… Ce retour à un fonctionnement normal est porté par le nerf vague et le système parasympathique, qui permet de récupérer par opposition au système orthosympathique, qui s’enclenche en cas d’urgence et de stress, source majeure de désordres digestifs. D’où l’importance de s’accorder régulièrement des moments de repos pour activer le système parasympathique et préserver l’équilibre global.
Pour conclure, il y a de nombreuses manières de prendre soin de ses intestins naturellement ; la méditation en est une, avec l’avantage d’enrichir le corps sur de nombreux plans.
La méditation en pleine conscience est la plus répandue, une approche plus simple qu’on ne l’imagine, consistant à s’asseoir sur un coussin et à porter son attention sur sa respiration, en se laissant traverser par les pensées sans s’y attacher. Elle peut déstabiliser quand on débute, car notre esprit passe son temps à vagabonder, à revenir sur le passé ou à envisager l’avenir. Mais avec de l’entraînement et beaucoup de régularité, nous apprenons à davantage stabiliser notre esprit et à être plus présents dans l’instant. Les vidéos sur Internet pour s’initier donnent un peu le vertige par leur nombre ; j’ai débuté avec celles de Christophe André et Fabrice Midal. Le conseil que je peux donner, est de ne pas se fixer d’objectifs trop ambitieux. On médite chaque jour 5 minutes, puis 10, puis 15, 20, etc., à son rythme. Une fois que vous aurez apprivoisé ce rituel de bien-être, vous apprécierez les méditations plus longues… Et vos intestins aussi !
Pour approfondir, mes conseils de lecture :
Libérez vos intestins, Dr Bernadette de Gasquet, Poche Marabout
Où tu vas, tu es, Jon Kabat-Zinn, J’ai Lu
« Prier, méditer, c’est renoncer progressivement à parler, à penser tout le temps. En somme, la pratique quotidienne révèle ce qui pollue le silence, ce qui nous empêche d’accéder à une réelle joie, d’avancer frais, libres et plein d’amour. » Alexandre Jollien
(1) Alteration of faecal microbiota balance related to long-term deep meditation, General Psychiatric, 2023
(2) Mindfulness training reduces the severity of irritable bowel syndrome in women: results of a randomized controlled trial, The American Journal of Gastroenterology, 20113 Mindfulness-based stress reduction improves irritable bowel syndrome (IBS) symptoms via specific aspects of mindfulness, Neurogastroenteroloy & Motiliy, 2020
(3) Mindfulness-based stress reduction improves irritable bowel syndrome (IBS) symptoms via specific aspects of mindfulness, Neurogastroenteroloy & Motiliy, 2011
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